J’avoue que cette histoire est un peu bizarre. L’esprit Shonen ? Qu’est-ce que donc ? Ça vient d’où ? d’Inoxtag ? Kesako ?
Je connaissais Inoxtag de nom, je ne l’ai jamais regardé (pas de mon âge), je ne le follow pas (pas mon genre de vidéo) et à part un ou deux dramas où il est apparu, honnêtement, je m’en fous.
Puis j’ai entendu, comme tout le monde, parler de son délire de se prendre pour le toit du monde. Et de nouveau, je m’en foutais. Pour avoir fait de l’escalade (pas en haut niveau, certes, mais quand même), je savais que ce n’était pas un truc compliqué avec des bouteilles (une bonne marche). Pour preuve, il y a des photos plein Internet de bouchons sur le toit du monde.
Alors pourquoi ce blog ? Parce que je suis tombé sur ça :
https://www.numerama.com/politique/1812444-lesprit-shonen-ce-nest-pas-pour-les-filles.html
Numérama a écrit un article sur l’esprit Shonen. QUOI ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? Pour ceux qui ne savent pas : un shonen est un type de manga qui s’adresse aux adolescents. D’ailleurs, en japonais, cela s’écrit 少年 qui veut dire jeunes années (adolescent). Et normalement, si vous n’êtes pas un réac du gouvernement français, vous devriez avoir entendu parler de Dragon Ball, de One Piece, etc… Mais l’esprit Shonen, je ne connaissais pas.
Cherchant un peu sur Internet, je tombe sur pleins d’articles tels que
- https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/02/28/le-youtubeur-inoxtag-l-everest-et-l-esprit-shonen_6219083_4408996.html
- https://www.ladn.eu/nouveaux-usages/quest-ce-que-lesprit-shonen-que-revendiquent-les-youtubeurs/
Mais il y en a encore plein d’autres. Et à prendre la définition, autant prendre celle du youtubeur de 22 ans lui-même. Selon ses dires, l’esprit Shonen, c’est :
Dépasser ses limites, c’est quand tout paraît impossible, mais que tu es sûr de toi et que, en fait, tu arrives à réaliser ces choses impossibles.
Mais qu’est-ce que ce pataques ? Quelle est le rapport entre dépasser ces limites et Shonen ? Il sait ce que c’est qu’un Shonen ?
A la base, il y a le chevalier blanc.
Un shonen, à la base, c’est l’archétype même du chevalier blanc ; un héros avec quelques valeurs poussées jusqu’au boutisme qui défend la veuve et l’orphelin. Luffy dans One Piece, c’est bouffe, ami, et voyage. Dragon Ball, c’est combat, bouffe et ami (la carte de l’amitié revient souvent).
Pourquoi c’est aussi simple, parce que quand il faut produire 15 planches par semaine, pas le choix d’aller à l’essentiel et de simplifier. Maintenant, ne faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Ce n’est pas parce que les héros sont « simples » que les histoires et le monde le sont. One Piece est un monde dense et riche dans lequel Luffy, au grand cœur, peut s’y trimbaler à son aise. Et toute la force de O.P est justement dans son monde plus que dans ses personnages (attachant qui plus est). Il est facile de remarquer que la richesse du monde s’étale sur plusieurs tomes afin de laisser à l’auteur d’inventer (les dragons célestes arrivent bien plus tard, les technologies aussi, etc…). En fait, le shonen est un vieux procédé narratif remis au gout du jour et qui dépend surtout de contraintes de production.
Le truc est que la création de chevaliers blancs, cad de personnages simples, a une autre conséquence. Les héros ne se battent que pour une chose, une chose aussi simple que leurs valeurs : l’injustice. La valeur intrinsèque de tout héros de Shonen est de combattre l’injustice. Pas de se dépasser, pas de chercher un trésor, juste combattre l’injustice et pour une raison très simple : si l’injustice gagne, le héros n’a plus ses valeurs. Que ferait Luffy sans ses amis si Domingo gagnait ? Que ferait SanGoKu si Freezer gagnait, que ferait… Cette raison, l’injustice, permet aussi d’avoir plusieurs arcs. Que se passerait-il si Luffy voulait vraiment son trésor en jouant réellement les pirates ? Ben, chaque fois qu’il arrive sur une île… il s’en irait vu qu’il n’y a rien qui l’interresse. Mais non, il reste parce que l’injustice est là. Et c’est pareil pour tous les Chevaliers blancs. Luke Skywalker pourrait aurait pu rester/retourner chez lui sans rien faire. l’appel de l’aventure est d’abord du à un désire de justice. Mais non, il va là où il y a de l’injustice… parce qu’histoire. (Globalement, le mythe du monomythe repose sur ce principe).
À noter que ce n’est pas vrai pour tout. Iron Man et Spider Man ne sont pas des chevaliers blancs. Ils se battent pour eux et non pour les autres, pour combler quelque chose et non parce que histoire. Un autre exemple que j’aime beaucoup est FLCL (mais ça, c’est pour les connaisseurs :-D).
Bref, un héros de Shonen est un personnage qui, par ses voyages, va surtout se dresser contre les injustices. Et tout le reste n’est qu’excuse. (d’ailleurs, accessoirement parlant, les méchants sont souvent méchants parce que méchants, mais c’est une autre histoire).
L’évolution du héros.
Inoxtag parle de dépasser ses limites quand tout est impossible, que rien ne va. Mais depuis quand, dans un shonen, quand rien ne va, le héros va… dépasser ses limites ? A-t-il compris que ce n’était qu’un shonen ? Il parle de dépassement de soi, comme si les héros de Shonens s’entrainaient pour devenir plus forts. Mais où quand ? Jamais aucun entrainement dans One Piece n’a rendu Luffy plus fort. Plus tactique, oui. Plus concentré aussi, mais pas plus fort. Idem pour DBZ, idem pour… pour tous les shonens. Quand ils deviennent plus forts, c’est toujours en combat, à un moment où… il faut bien faire avancer l’histoire. Si Songoku n’avait pas vu mourir Krilin, il n’aurait pas eu les cheveux jaunes. Rien avoir avec un quelconque entrainement.
En clair, à chaque fois qu’un héros de Shonen évolue en force, c’est parce que les héros sont spéciaux. D’ailleurs, connaissez-vous l’histoire de Naruta ? Non ? Je vais vous la dire.
Dans le village de Konoha, un monstre à 9 queues attaqua les habitants. Le 4e hokage sacrifia sa vie et enferma le monstre dans un nouveau né qui n’était pas Naruta. Naruta grandit sans pouvoir magique d’un dieu, eut un poste d’administration de merde dans le village et fit un burn out avant de se suicider. C’est con, elle était à un monstre à 9 queues d’écrire l’histoire.
Vous en voulez un autre. Laissez-moi vous raconter l’histoire de Luffet, un petit garçon qui n’a pas mangé de fruit du démon, attrappa la lepre et mourut dans d’atroces souffrances. C’est ballot… (#refdevieux)
Non, décidément, il n’y a pas de dépassement de soi dans les mangas. Je ne connais pas un manga où chaque amélioration du personnage (super saiyan, etc.) n’est pas due à une carte d’amitié ou un tagueule, c’est magique.
Mais alors l’esprit shonen c’est quoi ?
Mais d’où vient cette croyance, ce lien entre esprit Shonen et force ? Bon, c’est pas très dur, je connais peu de Shonen où il n’y a pas de combat. Donc Inoxtag aurait raison ? Ou alors, l’erreur d’inoxtag est tout simplement de prendre ce qu’il voit à l’écran pour vérité (Muscu, force, liberté, parce carte amitié), de tout mettre dans une grande casserole et d’en sortir une soupe qui rend fort. Bref, du haut de ses 22 ans, je pense qu’il n’a rien compris aux Shonen (sans savoir un mauvais fond).
Laissez-moi vous présenter le mot « contexte ». Le contexte est la chose la plus importante dans la réflexion. Réflexion sans contexte est synonyme de complotisme. Si ces héros se battent, c’est parce que le monde créé les y oblige. Le contexte les y oblige. One Piece est un monde de pirates et de fruits magiques. Évidemment qu’il y a des combats. Et c’est pareil pour tous les autres. Mais prenez un shonen de sport, il n’y a aucun combat, seulement des matchs. Prenez un shonen de cartes, il y a des chaises et des gens assis. Prenez n’importe quoi, l’envie de gagner ne dépendra pas de la force, mais de la volonté de combattre l’injustice (à ce titre, les shonens de sports sont très créatifs. Je suis en train de regarder 排球, c’est ouf. Un gamin détesté qui veut devenir le meilleur joueur de volley pour combattre l’injustice des nains au volley et prouver au monde que même les nains savent sauter :-D.)
Donc, pour faire simple, l’esprit Shonen dépend du monde dans lequel le héros se situe. Dans un monde de pirate, effectivement, il faut combattre l’injustice avec ces points, mais dans notre monde, combattre l’injustice veut il vraiment dire : « faire de la musculation » ? Faire de la musculation, c’est aider les plus faibles ? Bien sûr que non. L’esprit shonen dans notre monde, le monde réaliste de la realité véritable, ben… c’est la lutte des classes, c’est payer ses impôts, c’est la redistribution des richesses, c’est buter du riche… tant que je ne suis pas riche :-D. Non sérieux. Je ne dis pas que l’esprit Shonen, c’est réciter Marx 3 fois par jour, mais ce n’est certainement pas aller se balader sur le toit du monde sur une chaise porteuse tenue par 2 esclaves. Allez aider les restos du coeurs est 100 fois plus « esprit shonen » que de soulever 100 kilos.
Bref, l’esprit Shonen devrait être de gauche…la vraie.