Il fut un temps (quand j’étais jeune) où j’acceptais d’aller n’importe où en vacances ,dépendant principalement du choix de mes amis. Carpette, je suivais sans me poser de questions car je ne demandais pas grand chose à par des forets, des marches et de l’eau (piscine ou mer qu’importe).
Puis un jour, accompagnant ma mère en croisière, nous firent le tour des îles grecques ainsi qu’une visite d’Istanbul.
Et Istanbul, point de vue architecture, c’est magnifique : entre l’église Sainte-Sophie, la grande mosquée bleue, ou simplement se promener dans les quartiers pittoresques, l’amoureux de la photo que j’étais s’en donnait à cœur joie.
Mais surtout, et pour ceux qui ne savent pas, Istanbul est l’une des villes majeures de la Turquie (#NoShitSerlock).
Le malaise
Je me souviens parfaitement du malaise que j’eus lorsque l’on retourna sur le paquebot ; un sentiment d’abandonner des gens ; un sentiment d’être un outil à la propagande. Car même il y a 10 ans de cela, et au contraire des spots publicitaires nous vantant le bleu de la mer, la Turquie n’était pas connue pour être la plus grande démocratie du monde. Il suffit d’aller voir la page Wikipédia pour se rendre compte que les droits des individusen Turquie sont tellement mauvais que 2 pages ont été créées. Et rien que les chapeaux des articles donnent le ton. ( un autre pour la route.)
Bref, en un chiffre comme en 100, la Turquie est 104e sur l’indice démocratique (alors qu’en 2010, la Turquie était 89e, sacrée dégringolade.) Ce qui posait un problème de conscience : Dépenser de l’argent dans une dictature n’est-ce pas contribuer à ce régime ? N’est-ce pas aider ce régime à continuer à être la plus grande prison pour journaliste du monde ?
Depuis ce jour, j’étais toujours étonné d’entendre des amis, des gens me dire qu’ils ont visité tel pays ou telle région ramenant des images magnifiques des paysages. Mais chaque fois j’entendais “ Aide aux dictatures “, tel un don qu’on ferait à médecin dictature sans monde.
De bien beaux projets
Je suis un amoureux du train, et l’un de mes projets de voyage serait de rejoindre le japon par voie ferroviaire(et ferry bien sûr pour la fin). Dans ce plan, le voyage traverserait plusieurs pays pendant une dizaine de jours. Le tableau ci-dessous montre le parcours, les indices démocratiques, les types de régimes et le temps passé (à la louche) dans ces pays durant le voyage. Bien sûr cela ne compte pas les arrêts et les visites en chemins, visites dans lesquels de l’argent serait dépensé.
Pays Indice démocratique Type de régimes
Temps passé (à la louche)
L’Allemagne : 8.67. — Démocratie pleine :12h
La Pologne :6.85 — Démocratie imparfaite : 23h
L’Ukraine : 5.81 — Régime hybride :12h
La Russie :3.31 — Régime autoritaire :180h
Voyage théorique à la grosse louche à l’aide de google maps. On reparlera du train en Europe dans un autre poste. A noter la lente descente aux enfers, car au plus le pays se rapproche d’un régime autoritaire, au plus on y passe du temps.
Voyant cela, la question est la suivante : est-il juste de dépenser de l’argent dans des pays non démocratiques ? Ou plus précisément, donner de l’argent à des dictatures (via le tourisme) et ce, sans contrepartie aide-t-il ses pays à être plus démocratiques ? Ou encore : Est-ce la mondialisation (au sens libre circulation) qui entraine plus de démocratie avec elle ou bien est-ce l’inverse ? (vous avez quatre heures)
Soyons clairs. Si aller dans des dictatures et jouer les touristes aidaient ces pays à l’émancipation, alors je n’aurai aucun scrupule, mieux cela serait avec joie que j’irai visiter l’Iran, l’Irak, et autres prisons géographiquement ouvertes. Mais est-ce le cas ? Car si on prend, l’exemple le plus frappant c.-à-d. la chine, pays autoritaire ouverte au marché, à la mondialisation et au tourisme (mais 151e mondiale sur l’indice de démocratie), peut-on dire qu’il y a eu un changement ?
En 10 ans, la corrélation entre tourisme, importations, exportations ou quelques autres indices pris au hasard sont quasi nul. Exemple ici en comparant l’indice démocratique vs nombre de touristes
Ceci n’est pas une preuve absolue évidemment, mais tous les articles/données que j’ai lus et trouvés ne montrent aucune corrélation entre tourisme et transition démocratique. Et donc, jusqu’à preuve du contraire je m’en tiendrai à cela.
Ce qui voudrait dire qu’aller visiter des dictatures sachant que cela n’aide pas leurs régimes politiques à s’améliorer est un choix :
- Au mieux de je-m-en-foutisme pour ce qui arrive aux minorités ;
- au pire d’approbations conscientes des massacres qui y sont perpétrés.
Ce choix, je vous laisse faire le vôtre, moi j’ai fait le mien.
La dictature bashing
La dictature bashing comme je l’appelle se repose plutôt sur le ressenti suivant : L’idée qu’il ne vaut mieux pas donner de l’argent à des juntes plutôt qu’espérer qu’il en fasse bon usage. Globalement c’est restreindre ses visites/vacances à des pays tels que : L’Europe, l’Amérique du Nord, Japon, Corée du Sud, Nouvelle-Zélande, Australie, etc. Heureusement, il y en a plein.
Là où cette idée est intéressante, est qu’il est possible (difficilement pour l’instant) de la pousser sur d’autres plans et à tous les niveaux de pouvoirs. Je rêve donc :
- D’un Amazon me calculant l’indice démocratique des produits achetés (autant dire qu’Apple aurait un score de quasi zéro).
- De traités internationaux qui n’ont pas pour unique but la montée du fascisme PIB.
- etc.
Alors oui, je passerai sans doute à côté de beaucoup de jolies choses telles le Mashhad, Amarapura, etc. (le routard.com en est rempli), mais comme il faudrait plus d’une vie pour visiter toutes les merveilles du monde alors autant utiliser notre unique vie à bon escient.
Vive la dictature bashing.